Des statistiques peuvent prouver une discrimination à l’embauche
- février 8, 2023
- Envoyé par : Fabien Thomas
- Catégorie: Discrimination
Nous savons ô combien il est difficile de prouver une discrimination fût-elle directe ou indirecte en matière d’emploi.
C’est pourquoi, le législateur a allégé le régime de la charge de la preuve en ce que le salarié n’est tenu que de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination.
Et au vu des éléments produits par le salarié, l’employeur doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination pour éviter qu’il soit condamné. (Art. L.1134-1 du Code du travail)
Nous noterons la similitude du mécanisme de la charge de la preuve avec le harcèlement moral ou sexuel, le salarié ne devant rapporter que des éléments laissant présumer l’existence d’une situation de harcèlement. Sur ces 2 thématiques, nous avons réalisé 8 vidéos.
https://icmp-rh.fr/thematique-harcelement-moral-video-1/
https://icmp-rh.fr/thematique-harcelement-moral-video-2/
https://icmp-rh.fr/thematique-harcelement-moral-video-3/
https://icmp-rh.fr/thematique-harcelement-moral-video-4/
https://icmp-rh.fr/le-harcelement-sexuel-et-les-agissements-sexistes/
https://icmp-rh.fr/thematique-harcelement-sexuel-et-agissements-sexistes-video-1/
https://icmp-rh.fr/thematique-harcelement-sexuel-et-agissements-sexistes-video-2/
https://icmp-rh.fr/thematique-harcelement-sexuel-et-agissements-sexistes-video-3/
Mais revenons à l’arrêt commenté. Pour la première fois à notre connaissance, la chambre sociale de la Cour de cassation (14 déc. 2022, n° 21-19628) a approuvé la possibilité de présenter des statistiques réalisées à partir du registre du personnel (1) comme éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination afin que l’employeur puisse y répondre par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l’espèce, un salarié intérimaire a été mis à disposition d’une entreprise par le biais de contrats de mission en raison d’un accroissement temporaire d’activités, sur la période du 9 juin 2015 au 8 décembre 2016, puis du 4 septembre 2017 au 1er mars 2019 pour occuper les postes de pré-monteur et monteur.
Le 6 mai 2019, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée et d’une demande de dommages et intérêts pour discrimination à l’embauche.
Intéressons-nous à la question de la discrimination à l’embauche.
Sur l’autre point, voir notre publication sur la succession des contrats de mission – https://icmp-rh.fr/218-contrats-de-mission-qui-dit-mieux/)
Les Juges du fond (Cour d’appel de Chambéry, 20 mai 2021) ont procédé à l’examen de la demande en 2 étapes comme l’exige l’article L.1134-1 du Code du travail.
Dans un premier temps, ils ont relevé que le salarié produisait des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination à l’embauche :
– « une analyse faite à partir du registre unique du personnel communiqué par l’employeur sur la période du 26 mars 2018 au 31 décembre 2018 et sur l’organigramme de la société à partir desquels il avait fait des analyses statistiques et avait conclu que, parmi les salariés à patronyme européen recrutés sous « contrat à durée déterminée intérim », 18,07 % s’étaient vus accorder un contrat à durée indéterminée contre 6,9 % pour les salariés à patronyme extra-européen » ;
– « que les salariés en « contrat à durée déterminée intérim » à patronyme extra-européen représentaient 8,17 % de l’ensemble des salariés en « contrat à durée déterminée intérim » mais seulement 2,12 % de l’ensemble des salariés en contrat à durée indéterminée pour les mêmes postes » ;
– « que 80,93 % des salariés à patronyme européen étaient sous contrat à durée indéterminée pour seulement 21,43 % des salariés à patronyme extra-européen ».
Puis la Cour d’appel a examiné les éléments produits par l’employeur pour apprécier si sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination :
– « l’employeur n’apportait pas d’analyse réfutant celle faite par le salarié, mis à part quatre exemples qui portaient sur une liste de vingt-deux noms, étant précisé que, sur ce point, l’analyse du salarié portait sur le fait que, sur 269 salariés en « contrat à durée déterminée intérim », vingt-deux avaient un patronyme extra-européen ».
Raison pour laquelle les Juges du fond ont estimé dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation que l’employeur ne justifiait pas d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination à l’embauche et l’ont condamné à hauteur de 3000€ à titre de dommages et intérêts.
Contestant l’arrêt, l’employeur s’est pourvu en cassation et les Hauts magistrats ont confirmé la décision.
****
Le principe de non-discrimination est édicté aux articles L.1132-1 à L.1132-4 du Code du travail.
- Nous publierons sur la première quinzaine de février 2023, un article sur le référé probatoire (article 145 du Code de procédure civile) comme étant un outil redoutable pour obtenir notamment le registre du personnel et plus généralement des éléments permettant d’établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige (paiement des heures supplémentaire, discrimination syndicale …) .
Pour toutes questions, vous pouvez nous contacter.
td> | Fabien THOMAS Directeur de la société ICMP contact@icmp-rh.fr 06 62 65 90 48 – 09 53 19 02 17 |
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