L’employeur peut produire des éléments du compte privé Facebook du salarié pour justifier un licenciement pour faute grave (sous certaines conditions)

Nous touchons ici, la notion de vie privée protégée par l’article 9 du Code civil mais également par les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que l’article 9 du Code de procédure civile sur la loyauté de l’obtention de la preuve.

La question qui était posée à la Cour de cassation était de savoir si l’employeur pouvait utiliser des éléments issus du compte Facebook privé de la salariée pour justifier un licenciement pour faute grave. (Cass. soc., 30 sept. 2020, n° 19-12058, FS-P+B+R+I)

Cet arrêt est d’importance puisqu’outre le fait qu’il est publié au bulletin, il est également publié au bulletin d’information (BICC), mais également au rapport annuel de la Cour de cassation.

Dans cette décision, les Hauts magistrats du Quai de l’horloge ont répondu aux questions suivantes :

– L’employeur a-t-il usé d’un stratagème pour obtenir les éléments issus du compte Facebook privé de la salariée aux fins de justifier son licenciement pour faute grave ?

– L’atteinte à la vie privée pour justifier le droit à la preuve était-elle indispensable et proportionnée au but poursuivi ?

  • En l’espèce :

Il était reproché à la salariée d’avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité en publiant le 22 avril 2014 sur son compte Facebook, une photo de la nouvelle collection printemps/été 2015 de la société Petit Bateau.

  • La décision et sa portée :

La salariée reprochait à la Cour d’appel d’avoir admis comme moyen de preuve le fait d’obtenir des informations d’un compte Facebook privé rapporté par l’intermédiaire d’un autre salarié, alors qu’elle n’avait pas autorisé l’employeur à y accéder et de ce fait, considérait ce moyen de preuve comme irrecevable de première part et que cela constituait une atteinte disproportionnée et déloyale au respect de sa vie privée de seconde part.

Or, la Cour de cassation a considéré :

1/ que le fait d’obtenir des informations du groupe privé par une salariée considérée comme « ami » au sein dudit groupe ne constituait pas un moyen de preuve déloyal de l’obtention de la preuve dès lors qu’elles étaient communiquées spontanément, c’est-à-dire sans que l’employeur les demande.

2/ que les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales permettent de porter atteinte à la vie privée dès lors que la production de la preuve ainsi obtenue est indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

3/ que la production d’une photographie issue du compte privé de Facebook comme moyen de preuve, obtenue par une salariée « amie » de ce groupe constituait une atteinte à la vie privée.

4/ que l’employeur s’était borné à produire la photographie de la nouvelle collection ainsi que le profil de certains de ses « amis » du groupe Facebook travaillant dans le même secteur d’activité.

Que dès lors, la Cour d’appel a fait ressortir que la production en justice des éléments ainsi obtenus était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire la défense légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires.

En conséquence de quoi, le pourvoi de la salariée a été rejeté et le licenciement pour faute grave confirmé.

  • Précédemment :

La Cour de cassation a eu à se prononcer sur la question de la caractérisation de la déloyauté dans l’administration de la preuve obtenue au moyen d’un compte privé de Facebook. (Cass. soc., 20 déc. 2017, n° 16-19609).

Elle a considéré que le fait que l’employeur produise des informations « extraites du compte Facebook de la salariée obtenues à partir du téléphone portable d’un autre salarié, informations réservées aux personnes autorisées » portait « une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la salariée » et a confirmé la condamnation de l’employeur à payer des dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée.

Et encore que le fait de dénigrer son employeur sur son compte Facebook à travers un groupe fermé n’était pas fautif, car la diffusion était restreinte puisqu’elle concernait seulement 14 personnes et avait un caractère privé. (Cass. soc., 12 sept. 2018, n° 16-11690)

 
Pour toutes questions, vous pouvez nous contacter.
Fabien THOMAS
Directeur de la société ICMP
06 62 65 90 48

Poursuivez votre lecture...

  • Le référé probatoire – Une arme redoutable pour obtenir le paiement des heures supplémentaires, et plus généralement pour obtenir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige

    Le référé probatoire a pour objet de permettre avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Le juge des référés s’attachera à vérifier si la demande est indispensable au droit de la preuve et proportionné au but recherché.

    juin 17, 2023
  • Licenciement pour motif personnel – vidéo 2 – La mise à pied à titre conservatoire

    Cette vidéo est axée sur la thématique du licenciement pour motif personnel dans laquelle nous abordons :

    – L’objectif de la mise à pied conservatoire,
    – Le formalisme de la mise à pied à titre conservatoire,
    – La concomitance de la mise à pied à titre conservatoire avec la procédure de licenciement,
    – les effets de la mise à pied à titre conservatoire sur le contrat de travail,
    – les effets de la rupture en cas de mise à pied à titre conservatoire.

    Sur cette thématique, dans nos prochaines vidéos, nous aborderons :

    1/ Définition de la faute simple, grave et lourde,
    2/ Procédure de licenciement,
    3/ Le cas de l’insuffisance professionnelle,
    4/ L’inaptitude physique, l’obligation de reclassement,
    5/ Les documents de rupture,
    6/ La portabilité du salarié.

    mai 25, 2023
  • Les jours fériés

    Cette vidéo est axée sur la thématique des jours fériés dans laquelle nous abordons :

    – Les différents jours fériés,
    – Le régime de rémunération des jours fériés,
    – Le cas du 1er mai,
    – L’examen de vos conventions collectives et de vos accords d’entreprise,
    – Le cas d’un jour férié tombant un dimanche,
    – Les ponts,
    – La consultation du CSE.

    avril 27, 2023