La date d’embauche n’est pas un élément objectif justifiant une différence de traitement sur le principe à travail égal salaire égal

La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle une énième fois sa jurisprudence bien établie sur le principe « à travail égal salaire égal ». Elle redit qu’une différence de traitement doit être objective et pertinente pour des salariés placés dans une même catégorie professionnelle.

Peu important que cette différence relève d’un accord collectif d’entreprise. (Cass. soc., 14 déc. 2022, n° 21-16418)

En l’espèce, un salarié a été engagé en qualité de gareur à compter du 1er janvier 2012 par une société du secteur textile.

Le 10 avril 2017, il a saisi la juridiction prud’homale au titre d’un complément de prime outre les congés payés afférents, estimant subir une atteinte au principe d’égalité de traitement concernant le montant d’une prime variable liée à la performance pour la période d’avril 2014 à janvier 2018 inclus, dont le montant minimum garanti était plus favorable pour les salariés déjà en poste par accord collectif d’entreprise conclu le 22 mars 2006 dont l’intitulé était « prime variable de performance ».

Les juges du fond de la Cour d’appel de Grenoble ont constaté (arrêt du 1er avril 2021) :

« l’existence d’une différence de traitement opérée par voie d’accord collectif entre des salariés d’une même catégorie professionnelle, placés dans une situation identique ».

Ils ont :

« retenu que l’employeur n’établissait pas que celle-ci était justifiée par des raisons objectives et pertinentes ».

L’employeur s’est pourvu en cassation et les Hauts magistrats ont confirmé l’arrêt querellé.

Pour en savoir plus :

Le principe « à travail égal salaire égal » repose notamment sur l’article 23. 1 et 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui dispose que :

« Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes et à la protection contre le chômage. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal »

C’est donc sur ce principe que la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois le 29 octobre 1996 – Arrêt Ponsolle (Cass. soc., 29 oct. 1996, n° 92-43680 – Bull. 1996, V, n° 359 p.255):

« la règle de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes était une application de la règle plus générale ” à travail égal, salaire égal ” énoncée par les articles L. 133-5 4° et L. 136-2 8° du Code du travail ; qu’il s’en déduit que l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés de l’un ou l’autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ».

Il doit s’appliquer à tous les salariés d’une entreprise mais aussi à tous les établissements de l’entreprise. (Cass. soc., 28 oct., 2009, n° 08-40457)

Mais ce principe n’est pas applicable entre les entreprises d’une UES (unité économique et social) sauf si une convention, un accord collectif ou la loi en dispose autrement (Cass. soc., 1er juin 2005, n° 04-42143).

Et il est de jurisprudence constante qu’une différence de traitement entre 2 salariés placés dans la même situation et relevant de la même catégorie professionnelle doit reposer sur des raisons objectives et pertinentes.

Quant à la charge de la preuve, elle repose sur l’employeur au visa de l’article 1353 du Code civil (Cass. soc., 25 mai 2005, n° 04-40169).

« s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe “à travail égal, salaire égal” de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence »

Ainsi, il a été jugé que ne justifie pas une différence de traitement sur le principe à travail égal, salaire égal, le fait :

– de prétendre une qualité médiocre du travail d’un salarié ne reposant pas sur un critère objectif (Cass. soc. 26 novembre 2002, n° 00-41633),

– d’avoir une différence de diplômes si ceux-ci ne sont pas pertinents (Cass. soc. 13 novembre 2014, n° 12-20069;

d’avoir une différence de statut entre un CDD, CDI, intérimaire, etc. (Cass. soc., 4 fév. 2009, n° 07-42126;

mais justifie une différence de traitement sur le principe à travail égal, salaire égal, le fait :

– d’avoir un diplôme utile à l’exercice de la fonction occupée avec des connaissances particulières. Charge à l’employeur de rapporter les raisons objectives et pertinentes de cette différence. (Cass. soc., 16 déc. 2008, n° 07-42107;

– d’avoir plus d’ancienneté dès lors qu’elle n’est pas prise en compte par une prime conventionnelle ou autre, charge au juge de vérifier si elle justifie la différence de rémunération constatée (Cass. soc., 20 juin 2001, n° 99-43905;

– d’avoir acquis de l’expérience auprès du même employeur (Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-45592) ou de l’expérience auprès d’autres employeurs  (La Semaine Juridique Social n° 4, 23 Janvier 2007, 1035 Commentaire par Jean-François Cesaro, Professeur à l’Université François Rabelais – Tours) ;

– d’avoir des contraintes de travail de nuit différentes (Cass. soc., 5 juin 2013, n° 11-21255).

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Fabien THOMAS
Directeur de la société ICMP


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