Un lanceur d’alerte est-il protégé contre le licenciement?
- novembre 29, 2020
- Envoyé par : Fabien Thomas
- Catégories: exécution du contrat, Licenciement

La chambre sociale de la Cour de cassation est venue rappeler le principe de la protection des lanceurs d’alerte issue de la Loi 2013-1117 du 6 décembre 2013 dans le cadre de la rupture du contrat de travail. (Arrêt du 4 novembre 2020, n° 18-15669, publié au bulletin)
- Les faits
Un salarié a été engagé par la société X en qualité de consultant senior spécialisé dans le développement de solutions logicielles et d’expertises dans le domaine de l’optimisation et des solutions d’aide à la décision. Il a été affecté auprès d’un technicentre Renault au titre d’une mise à disposition.
Lors d’un entretien avec le salarié en date du 16 mars 2016, son employeur lui a indiqué qu’il a été informé de l’existence d’un courriel politique de l’intéressé adressé à des salariés de la société Renault.
Il s’est alors vu notifier le 18 mars 2016, une mise à pied à titre conservatoire et une convocation à un entretien préalable fixée au 25 mars 2016 en vue d’un éventuel licenciement.
Le 31 mars 2016, un avertissement lui a été notifié au motif de la violation du guide d’information de la société Renault et du non-respect de sa lettre de mission au technicentre du constructeur.
Le 21 avril 2016, il fut licencié en violation de son obligation de loyauté et de bonne foi au motif qu’il avait procéder à l’enregistrement sonore illicite de l’entretien du 16 mars 2016 aux fins de le communiquer à des tiers afin d’assurer sa diffusion dans le cadre d’une vidéo mise en ligne le 21 mars 2016 sur le site YouTube. Le contenu de cette vidéo ayant été repris par plusieurs médias à travers des articles de presse ou des émissions de télévision.
L’enregistrement révélait que l’employeur de la société X avait déclaré que les mails des syndicalistes étaient surveillés en priorité et qu’en tant que salarié mis à disposition, il n’était pas censé discuter avec des syndicalistes de l’entreprise Renault qui étaient là pour les salariés du constructeur.
C’est dans ces conditions que le salarié a saisi le juge des référés au motif de la violation de la protection des lanceurs d’alerte aux fins de faire cesser le trouble manifestement illicite et l’octroi de dommages et intérêts sur la réparation de son préjudice.
Les syndicats ce sont à joint à l’action.
La formation de référé a ordonné (CA Versailles, 27 fév. 2018, RG16/04357) :
– La prononciation de la nullité du licenciement pour atteinte à la liberté d’expression,
– La condamnation de l’employeur à payer au salarié les sommes de :
– 10271,71€ brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,
– 3424,88€ au titre de l’indemnité de licenciement,
– 25000€ à titre de provision sur les dommages et intérêts pour la nullité du licenciement dans l’attente de la décision au fond,
– 2000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Les intérêts légaux,
Et pour chacun des syndicats, la somme de :
– 3000€ à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral pour atteinte à la liberté syndicale,
– 1000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
C’est dans ces conditions que l’entreprise X s’est pourvue en cassation au motif que la nullité du licenciement en raison de la violation de la liberté d’expression ne peut être prononcée que si des faits sont de nature à caractériser une infraction pénale.
Qu’en prêtant au salarié le statut de lanceur d’alerte sans constater la moindre infraction pénale, la formation de référé a privé sa décision de base légale.
- La décision de la Cour de cassation et sa portée
Les hauts Magistrats du Quai de l’horloge ont rappelé le principe qu’« aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ». (Art. L.1132-3-3 du Code du travail)
Et après avoir rappelé les faits précédemment évoqués, la Cour de cassation a rappelé la nécessité de constater si « le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime » afin de justifier du statut de « lanceur d’alerte ».
Elle a donc cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui n’avait pas constaté que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime, et renvoyé l’affaire devant la même juridiction autrement composée.
- Pour en savoir plus
Le lanceur d’alerte se définit selon l’article 6 de la Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 comme :
« Une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. »
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