Le temps de trajet du salarié itinérant entre son domicile et son premier client ou inversement entre son dernier client et son domicile constitue-t-il du travail effectif ?

C’est à cette question que la chambre sociale de la Cour de cassation a répondu dans son arrêt du 23 novembre 2022 (Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 20-21924).

Avant d’aborder l’interprétation de l’arrêt, il convient de faire quelques rappels ou précisions.

1/ La notion de travail effectif :

Le Code du travail pris en son article L.3121-1 défini la durée du travail effectif comme « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».

2/ Le temps de déplacement entre 2 clients :

Il est admis que le temps de déplacement entre 2 clients aussi appelé temps de mission constitue du temps de travail effectif dès lors que le salarié ne se soustrait pas à l’autorité de son employeur (Cass. crim., 2 sept. 2014, n° 13-80665).

3/ La position jurisprudentielle précédente concernant le temps de trajet entre le domicile et le premier client et le dernier client et le domicile pour le salarié itinérant :

Pour les salariés itinérants qui allaient de leur domicile à leur premier client ou inversement de leur dernier client à leur domicile, la jurisprudence considérait que ce temps de déplacement n’était pas du travail effectif mais devait faire l’objet d’une contrepartie financière ou de repos quand il dépassait « la durée normale de trajet ».

Le Code du travail pris en son article L.3121-4 défini la durée normale de trajet comme le « temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ».

Et la part de ce temps qui coïncide avec l’horaire du travail ne doit entraîner aucune perte de salaire (même article).

Enfin, la jurisprudence est venue préciser dans un arrêt du 30 mars 2022 (n°20-15022) que pour les salariés itinérants ne travaillant pas habituellement au sein de leur agence de rattachement, cela ne dispensait pas l’employeur de respecter les dispositions de l’article L.3121-4 du Code du travail et que « le lieu habituel de travail comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi déterminé soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d’un salarié dans la région considérée ».

4/ L’apport de l’arrêt du 23 novembre 2022 de la chambre sociale de la Cour de cassation

En l’espèce, un attaché commercial a été embauché le 4 mai 2019.

Il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire et de demandes subséquentes, au motif qu’il estimait que son temps de déplacement entre son domicile et son premier client mais aussi entre son dernier client et son domicile était du travail effectif et devait être rémunéré comme tel puisqu’il devait avec son kit main libre répondre au téléphone, prendre les rendez-vous, mais aussi appeler les clients, son directeur commercial…

La Cour d’appel de Rennes dans son arrêt du 17 septembre 2020 (n° 17/01776) a constaté que :

« le salarié, qui soutenait, sans être contredit sur ce point par l’employeur, qu’il devait en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs, clients, directeur commercial, assistantes et techniciens, exerçait des fonctions de “technico-commercial” itinérant, ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l’entreprise pour l’exercice de sa prestation de travail (…) »

Elle a donc décidé que :

« ces temps devaient être intégrés dans son temps de travail effectif et rémunérés comme tel ».

L’employeur contestant l’arrêt s’est pourvu en cassation.

Les Hauts magistrats sont venus pour la première fois préciser que :

« Eu égard à l’obligation d’interprétation des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail à la lumière de la directive 2003/88/CE, il y a donc lieu de juger désormais que, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du même code. »

Que dans ces conditions, le temps de déplacement entre le domicile et le premier client et dernier client et le domicile constitue du temps de travail dès lors qu’il remplit les conditions du travail effectif.

La Cour de cassation a donc confirmé la position des Juges du fond :

« Elle a ainsi fait ressortir que, pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les premiers et derniers clients, le salarié devait se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
Elle a décidé à bon droit que ces temps devaient être intégrés dans son temps de travail effectif et rémunérés comme tel. »

Pour toutes questions, vous pouvez nous contacter.

Fabien THOMAS
Directeur de la société ICMP


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