Harcèlement moral et faute inexcusable de l’employeur

Un CSE nous a récemment sollicité sur une situation de harcèlement moral en émettant l’hypothèse qu’au surplus, la responsabilité de l’employeur au titre de la faute inexcusable serait engagée.

Aussi, il nous faut définir le concept de la faute inexcusable.

Le terme de faute fait référence à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Précisant qu’il est tenu à cette obligation au visa des articles L.4121-1 et 2 du Code du travail en raison du contrat de travail le liant à son salarié et qu’il lui appartient de démontrer avoir pris toutes les mesures nécessaires pour remplir son obligation. (Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-24444 ; 1er juin 2016, n° 14-19702)

Aussi, a le caractère de faute inexcusable, l’employeur qui avait conscience du danger encouru par ses salariés, en raison de son expérience ou de ses connaissances techniques, sans qu’aucune mesure ne soit prise pour les en préserver. (Cass. civ. 2è., 8 oct. 2020 n° 18-26677 ; 28 mai 2020, n° 19-15172, CA Poitiers, 10 janv. 2018, n° 16/03434)

Mais il appartient à la victime de rapporter la preuve de la conscience du danger par l’employeur ou du défaut des mesures prises pour l’éviter. (Cass. civ. 2è. 28 mai 2020, n° 19-15172)

Par exemple, le fait d’avertir l’employeur de l’existence du risque. (Cass. civ. 2è., 28 avril 2011, n° 10-17344)

Ou encore que l’employeur ne pouvait ignorer les risques inhérents à une configuration des lieux et des installations de travail non conformes aux normes de sécurité et dénoncées comme dangereuses par l’ensemble du personnel de l’entreprise. (Cass. civ. 2è., 23 sept. 2010, n°09-68764)

Et aussi lorsque les mesures de sécurité les plus élémentaires sont défaillantes et que le temps de pause des salariés n’est pas respecté. (TASS de Lille, 3 mai 2005, affaire L. c/ SNCF)

Dans ce cas, la victime ou ses ayants droit sont fondés à obtenir une indemnisation complémentaire (art. L.452-1 du Code de la sécurité sociale).

En effet, au sens de l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de la sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. 

Et toute transaction mettant fin au litige ayant pour conséquence pour le salarié de renoncer à agir contre son employeur au titre de la faute inexcusable moyennant une indemnisation est nulle de plein droit. (Cass. civ. 2e., 1er juin 2011, n° 10-20178)

  • La présomption de la faute inexcusable de l’employeur dans certains cas

Au visa de l’article L.4154-3 du Code du travail, la faute inexcusable de l’employeur est présumée en cas d’accident du travail ou en cas de maladie professionnelle concernant :

  • Les CDD,
  • Les intérimaires,
  • Les stagiaires ;

dès lors qu’ils sont affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité sans avoir bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue à l’article L.4154-2 du Code du travail. (Art. L.4154-3 du Code du travail ; Cass. civ. 2 ème , 11 oct. 2018, n°17-23694)

Ajoutant qu’au visa de l’article L.1251-43 4° du Code du travail, le risque particulier doit être précisé dans le contrat de mise à disposition.

« Le contrat de mise à disposition établi pour chaque salarié comporte : (…)

4° Les caractéristiques particulières du poste de travail à pourvoir et, notamment si celui-ci figure sur la liste des postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l’article L. 4154-2, la qualification professionnelle exigée, le lieu de la mission et l’horaire ; »

5° La nature des équipements de protection individuelle que le salarié utilise (…) ;

Et cette présomption peut être renversée par l’employeur à la seule condition de démontrer avoir délivré cette formation. (Cass. civ. 2e., 18 janv. 2005, n° 03-30570)

  • La faute inexcusable et le harcèlement moral

Il a été vu en début d’article que l’entreprise est tenue envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat.

A titre d’exemples, la faute inexcusable de l’employeur a été reconnue dans des cas de harcèlement moral :

– l’employeur était informé par un compte rendu de réunion de fortes tensions entre les commerciaux et la vente interne, tensions ayant pour origine des défauts dans l’organisation interne de l’agence.

De même, Le médecin du travail avait attesté de l’existence d’une situation très conflictuelle pour monsieur X avec son encadrement depuis un an du fait d’un changement de responsable. (TASS de Rouen, 30 juin 2015, recours 21300574) 

– le comportement continu de l’employeur ayant pour effet de dégrader les relations de travail du salarié et compromettant son équilibre psychologique, caractérisant dès lors la conscience du danger et l’absence de mesure pour l’en préserver. (CA Dijon, 24 nov. 2016, RG 14/1398)

– Le 14 décembre 2009 Mme Z… a été licenciée pour inaptitude physique. Par un arrêt définitif de la Cour d’appel d’Angers en date du 15 janvier 2013, son licenciement a été annulé en considération de ce que cette inaptitude avait pour origine un harcèlement moral de la part de son employeur.

Aussi, la faute inexcusable de l’employeur a été reconnu du fait que Mme Z lui a dénoncé les pressions, humiliations, agressions verbales et menaces de licenciement par des courriers circonstanciés en date des 16 et 23 juillet 2009, ainsi que le 10 août suivant, et également via les courriers qu’elle a fait parvenir au médecin du travail et à l’inspection du travail, respectivement les 17 juillet et 4 août 2009 (…).

Que dans ces conditions, l’employeur aurait dû-avoir conscience du danger auxquels son comportement, ses attitudes et propos exposaient Mme Z… en termes de risques psychosociaux et qui ont entraîné son inaptitude. (CA Angers 8 déc. 2015, 14/006)

Pour toutes questions, vous pouvez nous contacter.

Fabien THOMAS
Directeur de la société ICMP
06 62 65 90 48 – 09 53 19 02 17

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