Des heures de délégation les dimanches et les jours fériés pendant près de 2 ans! Ça sent le roussi…

  • L’histoire et les décisions de 1ère instance et d’appel

Un salarié a été élu le 6 juin 2011 au Comité d’Entreprise (CE) puis désigné au Comité d’Hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Posant une partie de ses heures de délégations pendant près de 2 ans les dimanches et les jours fériés, son employeur a saisi la juridiction prud’homale le 14 janvier 2014 d’une demande de remboursement des heures de délégation prises en dehors de son temps de travail ainsi que les primes et indemnités afférentes, puisqu’il estimait que c’était au représentant du personnel de prouver que ces heures étaient prises pour la nécessité des mandats.

Reconventionnellement, le représentant du personnel a profité du litige pour formuler diverses demandes salariales et indemnitaires.

Le syndicat national des transports (le syndicat) est intervenu volontairement à l’instance.

Le représentant du personnel fut condamné devant les premiers Juges à rembourser :

– 6462,67€ net au titre des heures de délégation posées en dehors du temps de travail,

– 10572,08€ net au titre des primes et indemnités perçues au titre des heures de délégation posées en dehors du temps de travail,

– 800€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (CPC),

– Outre les intérêts de droit sur les salaires et les éléments de salaire à compter du 22 janvier 2014,

– L’exécution provisoire totale (art. 515 du CPC),

– Le débouté de ses demandes,

– La condamnation aux dépens,

– Et le syndicat à hauteur de 800€ au titre de l’article 700 du CPC.

Représentant du personnel et syndicat ont interjeté appel de la décision, et le représentant du personnel a engagé en parallèle une procédure devant le premier Président de la Cour d’appel* sur le fondement de l’article 524 du CPC aux fins de voir :

– Suspendre l’exécution provisoire du jugement du 24 mars 2016,

– Condamner l’employeur à payer un article 700 du CPC à hauteur de 1500€.

* L’article 524 du CPC dispose dans sa version alors applicable que :

« Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

Si elle est interdite par la loi ;

Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (…).»

Mais par ordonnance du 12 juillet 2016, le Premier Président de la Cour d’appel de Versailles a rejeté la demande du représentant du personnel.

Néanmoins sur le fond (CA Versailles, 17ème ch. RG 16/01506), la décision de première instance a été infirmée au motif que l’employeur ne contestait pas l’utilisation des heures de délégation, mais le moment auquel elles ont été utilisées, ajoutant que c’était le seul représentant du personnel à procéder ainsi sur les 9 élus et qu’il estimait qu’elles n’étaient pas justifiées par la nécessité des mandats.

Mais attendu que l’employeur a, à de nombreuses reprises, demandé au représentant du personnel des justificatifs sur l’utilisation des heures et qu’il n’a jamais contesté les réponses du salarié ni remis en cause les nécessités du mandat justifiant cette pratique.

Que dès lors, l’employeur était mal fondé a demandé le remboursement des heures de délégation prises les dimanches et les jours fériés pendant près de 2 ans alors qu’il ne contestait pas que ces heures aient été consacrées à l’exercice du mandat et qu’il ne démontrait pas qu’elles pouvaient être prises sur le temps de travail du salarié sans perturber le fonctionnement de l’entreprise.

Le salarié obtenant également gain de cause sur une partie de ses demandes accessoires qui n’entraînent pas l’intérêt de cette publication.

Quant au syndicat, ne démontrant pas la réalité d’un préjudice il a vu sa demande de dommages et intérêt rejeté.

L’affaire pouvait en rester là, mais l’employeur s’est pourvu en cassation.

Après avoir rappelé qu’au visa des articles L.2325-7 et L.4614-6 du Code du travail (dans leur version alors applicable) que :

« les heures de délégation sont payées comme temps de travail et que lorsqu’elles sont prises en dehors de l’horaire de travail en raison des nécessités du mandat, ces heures doivent être payées comme des heures supplémentaires ».

Les Hauts magistrats ont jugé :

« qu’il appartenait au salarié de justifier que la prise d’heures de délégation les dimanches et jours fériés, en dehors de son horaire de travail, était justifiée par les nécessités de ses mandats »

L’arrêt de la Cour d’appel a donc été cassé en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande de remboursement des heures de délégation prises par le représentant du personnel en dehors de son temps de travail et l’affaire renvoyée devant la Cour d’appel de Versailles autrement composé.

On voit mal comment le représentant du personnel va être en mesure de justifier l’utilisation des heures de délégation prise les dimanches et jours fériés pendant près de 2 ans, alors que durant l’ensemble de la procédure se déroulant sur plusieurs années, il n’a jamais justifié qu’une telle utilisation était nécessité par ses mandats !

Pour toutes questions, vous pouvez nous contacter.

Fabien THOMAS
Directeur de la société ICMP
06 62 65 90 48 – 09 53 19 02 17

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