Une décision de justice est tenue de répondre aux conclusions des parties

Une salariée a contesté son licenciement économique survenu le 13 juin 2014.

Dans sa décision, la Cour d’appel de Rennes (9 sept. 2020, 8ème ch. prud’h.) a jugé que la société ne démontrait pas la réalité du motif économique et a dit que le licenciement était dénué de cause réelle sérieuse, allouant à la salariée la somme 40000€ à titre de dommages et intérêts.

De son côté, la société soutenait que si la réalité du motif économique doit s’apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d’éléments postérieurs, de telle manière qu’en les écartant, il ressortait des débats que le dernier chiffre d’affaires de l’entreprise était en progression.

C’est dans ces conditions qu’elle s’est pourvue en cassation à l’appui duquel elle a fait valoir que la Cour d’appel n’a pas répondu à ses conclusions « selon lesquelles les difficultés économiques invoquées étaient caractérisées au regard du solde déficitaire du compte de résultat de la société arrêté au 30 septembre 2014 », ce qui constituait un défaut de motif, encourant la censure des Hauts magistrats du Quai de l’Horloge.

  • Explication (le jugement – une nécessaire motivation)

Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date, mais dans tous les cas le jugement doit être motivé puisqu’il est censé garantir l’arbitraire en obligeant le Juge à avoir un raisonnement juridique, c’est-à-dire une confrontation des faits et du droit. (Art. 455 du Code de procédure civile)

Mais ne réponds pas à cette exigence, la décision qui ne prend pas en compte les conclusions d’une des parties puisqu’il est fait obligation au Juge de répondre à tous les arguments des parties et du moins à leurs moyens juridiques.

Aussi, le défaut de réponse aux conclusions vaut une absence de motifs (notamment Cass. soc., 9 sept. 2020, n° 18-19309) et fait encourir la censure de la décision.

D’ailleurs le Conseil constitutionnel a érigé l’exigence de motivation des jugements comme un garantie essentielle (Cons. const., décision du 3 novembre 1977, no 77-101 L).

Quant à la Cour européenne des droits l’homme, elle a jugé que la motivation ne peut être totalement absente. (CEDH, Higgins et autres c. France, 19 février 1998, requête no 20124/92)

Voir également l’obligation de motivation du rapport annuel 2010 de la Cour de cassation.

  • Appréciation du motif économique, le Juge peut tenir compte d’éléments postérieurs à la date du licenciement économique

S’il est de jurisprudence constante que l’appréciation du motif économique se situe à la date du licenciement, en cas de contestation le Juge peut apprécier des éléments postérieurs à date. (Notamment, Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 18-17874)

« Mais attendu que si le motif économique du licenciement doit s’apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d’éléments postérieurs pour cette appréciation »

Qu’ainsi, en ne répondant pas aux conclusions de l’employeur selon lesquelles « les difficultés économiques invoquées étaient caractérisées au regard du solde déficitaire du compte de résultat de la société arrêté au 30 septembre 2014 », la Cour d’appel a privé sa décision de base légale.

La décision a donc été cassée et l’affaire renvoyée devant la Cour d’appel d’Angers

Pour toutes questions, vous pouvez nous contacter.

Fabien THOMAS
Directeur de la société ICMP
06 62 65 90 48 – 09 53 19 02 17

Poursuivez votre lecture...

  • Le référé probatoire – Une arme redoutable pour obtenir le paiement des heures supplémentaires, et plus généralement pour obtenir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige

    Le référé probatoire a pour objet de permettre avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Le juge des référés s’attachera à vérifier si la demande est indispensable au droit de la preuve et proportionné au but recherché.

    juin 17, 2023
  • Licenciement pour motif personnel – vidéo 2 – La mise à pied à titre conservatoire

    Cette vidéo est axée sur la thématique du licenciement pour motif personnel dans laquelle nous abordons :

    – L’objectif de la mise à pied conservatoire,
    – Le formalisme de la mise à pied à titre conservatoire,
    – La concomitance de la mise à pied à titre conservatoire avec la procédure de licenciement,
    – les effets de la mise à pied à titre conservatoire sur le contrat de travail,
    – les effets de la rupture en cas de mise à pied à titre conservatoire.

    Sur cette thématique, dans nos prochaines vidéos, nous aborderons :

    1/ Définition de la faute simple, grave et lourde,
    2/ Procédure de licenciement,
    3/ Le cas de l’insuffisance professionnelle,
    4/ L’inaptitude physique, l’obligation de reclassement,
    5/ Les documents de rupture,
    6/ La portabilité du salarié.

    mai 25, 2023
  • Les jours fériés

    Cette vidéo est axée sur la thématique des jours fériés dans laquelle nous abordons :

    – Les différents jours fériés,
    – Le régime de rémunération des jours fériés,
    – Le cas du 1er mai,
    – L’examen de vos conventions collectives et de vos accords d’entreprise,
    – Le cas d’un jour férié tombant un dimanche,
    – Les ponts,
    – La consultation du CSE.

    avril 27, 2023