Le licenciement économique collectif en l’absence de CSE ou de PV de carence est irrégulier

C’est ce que vient de rappeler la chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 9 juin 2021 (n° 20-11796).

Au préalable, nous vous proposons un petit rappel :

– sur l’obligation de mettre en place un CSE (Comité Social et Economique),

– sur la définition du licenciement économique,

– sur l’obligation de reclassement,

– et sur les critères d’ordre des licenciements.

1/ L’obligation de mise en place d’un CSE conditionnée à l’effectif de l’entreprise

La mise en place d’un CSE (Comité Social et Economique) est obligatoire au sein de chaque entreprise depuis le 1er janvier 2020 dès lors que l’effectif atteint 11 salariés (équivalent temps plein) sur 12 mois consécutifs (art. L.2311-2 du Code du travail).

En cas d’établissements multiples, il convient de prendre en compte l’ensemble des salariés de l’entreprise, donc de tous les établissements, pour apprécier le critère lié à l’effectif.

Quant aux sanctions, tout d’abord l’employeur commet un délit d’entrave au CSE lorsqu’une action ou une inaction de sa part fait obstacle à la mise en place d’un tel comité. 

Le délit d’entrave existe également lorsque l’employeur refuse de procéder au renouvellement du CSE à la fin du mandat des élus actuels. (Art. L.2317-1 du Code du travail)

Sur la question du délit d’entrave, voir notre publication « le délit d’entrave et le CSE ».

Il peut y avoir également d’autres effets en l’absence de mise en place d’un CSE, par exemple :

– de rendre inapplicables les sanctions disciplinaires prévues par un règlement intérieur en dehors du licenciement (absence de consultation du CSE),

– de rendre un licenciement pour inaptitude physique abusif (absence de consultation du CSE sur les propositions de reclassement, sauf dispense de reclassement par le médecin du travail, encore qu’un arrêt de la Cour d’appel de Lyon a jugé le contraire sur le fait que « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé … » c’est-à-dire à l’emploi occupé, et non à tout emploi de telle sorte que l’employeur ne pouvait se dispenser de consulter les élus du CSE et même se dispenser de son obligation de reclassement (CA Lyon, 6 novembre 2019, n°17/05121). Il convient d’être particulièrement prudent au sujet de cet arrêt qui est isolé et contraire à l’ensemble des autres arrêts sur le même sujet,

– de rendre irrégulier un licenciement économique collectif ouvrant droit à des dommages et intérêt,

– d’empêcher, de suspendre ou d’annuler certaines décisions de l’employeur notamment sur la marche générale de l’entreprise (voir notre publication à ce sujet),

– (…).

2/ Définition du licenciement économique

 

Le Code du travail définit le licenciement économique (art. L.1233-3 du Code du travail) comme « un motif ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. (…)

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

(…) »

3/ Une obligation de reclassement

Lorsque l’employeur rencontre des difficultés économiques, il est tenu de respecter une obligation de reclassement définie à l’article L.1233-4 du Code du travail.

En effet, un licenciement économique ne peut intervenir que si tous « les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles (…) »

Le reclassement devant se faire sur la même catégorie d’emploi « assorti d’une rémunération équivalente ». A défaut, l’employeur est tenu de proposer au salarié un emploi d’une catégorie inférieure.

4/ Les critères d’ordre des licenciements

L’article L.1233-5 du Code du travail dispose que « lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du Comité Social et Economique ».

Ces critères peuvent par exemple être les chargés de famille, les parents isolés, l’ancienneté, la particularité sociale des salariés (handicap, âge, réinsertion, qualité professionnelle).

5/ L’absence de consultation du CSE en cas de licenciement économique collectif

Nous arrivons à l’interprétation de l’arrêt évoqué en introduction.

Une société a été placée en redressement judiciaire par décision du 22 février 2012, puis placé en liquidation judiciaire par décision du 30 mai 2012.

De ce fait, le salarié a été licencié pour motif économique, mais en l’absence de la mise en place des représentants du personnel ou d’un procès-verbal de carence, il a estimé avoir subir un préjudice en raison du caractère irrégulier de son licenciement lui ouvrant droit à une indemnité qui ne serait être inférieure à 1 mois de salaire (art. L.1235-15 du Code du travail ).

Pour autant, la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 8 novembre 2018 l’a débouté de sa demande au motif qu’il ne démontrait pas avoir subi « un préjudice personnel » relatif au défaut d’organisation des élections professionnelles.

Argument non retenu par la Cour de cassation (n° 20-11796) qui a jugé :

« que l’employeur qui met en œuvre une procédure de licenciement économique, alors qu’il n’a pas accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel et sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts. »

Néanmoins, l’obligation de consultation du CSE en cas de licenciement économique individuel est facultative. (Cass. soc., 19 mai 2016, n° 14-10251)

Fabien THOMAS
Directeur de la société ICMP


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