L’action en justice du salarié concomitant à son licenciement

La question qui était posée aux magistrats de la Cour de cassation (arrêt du 4 novembre 2020, n° 19-12367) était de savoir si le licenciement du salarié concomitamment à son action en justice contre son employeur faisant présumer une atteinte à la liberté d’agir en justice.

  • Le principe fondamental de la liberté d’agir en justice

L’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme pose le principe que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi … ».

De même, le préambule de la Constitution de 1946 pris en son article 6 pose le principe qu’il y a une égalité devant la Loi et que cela a valeur constitutionnelle sur le fondement de la Déclaration des Droits de L’Homme et du Citoyen de 1789. (73-51 DC, 27 décembre 1973, cons. 2

Et que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 pris en son article 16 pose le principe que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ».

Raison pour laquelle la liberté d’agir en justice est un droit fondamental.

D’ailleurs, l’État est débiteur d’un devoir de protection juridictionnelle à l’égard des citoyens, dont le fondement réside dans le droit au Juge.

(FAVOREU L., « Résurgence de la notion de déni de justice et droit au juge », Gouverner, administrer, juger, Liber amicorum Jean Waline, Dalloz, 2002, p. 513 – Thèse de Eric LESTRADE – Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel)

  • La décision du 4 novembre 2020 et sa portée

Exprimant des revendications concernant le temps de pause, des salariés d’une collecte de déchets ont été sanctionnés par un avertissement pour non-respect des lieux de pause.

C’est dans ces conditions qu’ils ont saisi la juridiction prud’homale :

– le 4 octobre 2017 d’une demande d’annulation de la sanction disciplinaire, y ajoutant une demande de rappel de salaire et une demande de dommages et intérêts,

– et le 4 janvier 2018, d’une demande d’un lieu de pause.

Seulement, quelques jours après (moins d’un mois) l’employeur les a placés en mise à pied conservatoire puis licenciés pour collecte interdite et dangereuse.

Estimant qu’ils faisant l’objet d’une mesure de rétorsion eu égard aux procédures engagées, en violation d’une liberté fondamentale, celle d’agir en justice, ils ont demandé que soit prononcer la nullité de ces ruptures.

Seulement, les lettres de licenciement fixant les limites du litige ne faisant pas état des procédures judiciaires engagées de telle sorte qu’il appartenait aux salariés de démontrer que ces ruptures reposaient en réalité sur une mesure de rétorsion.

Et après avoir constaté que les procédures de licenciement étaient régulières, et que les motivations visées à l’article L.1232-6 du Code du travail ne faisaient pas état des procédures prud’homales précédemment engagées et étaient sans lien avec la question du lieu de pause, les Juges de la Cour d’appel ont considéré que les licenciements reposaient sur une cause réelle et sérieuse.

Contestant cette décision, les salariés ont formé un pourvoi en cassation.

Les Hauts magistrats ont confirmé la décision d’appel rappelant qu’ils appartenaient aux salariés de démontrer la réalité de la mesure de rétorsion qu’ils soutenaient avoir fait l’objet.

  • Précédemment, il a été jugé que

Lorsque les faits motivant la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse, il appartient au salarié de rapporter la preuve que sa rupture constitue une mesure de rétorsion à une procédure judiciaire engagée. (Cass. soc., 9 oct. 2019, n° 17-24773)

La lettre de licenciement reprochant au salarié d’avoir menacé l’employeur d’entamer des procédures à l’encontre de la société était constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice entraînant à elle seule la nullité de la rupture, fût-elle des procédures judiciaires envisagées. (Cass. soc., 21 nov. 2018, n°17-11122)

Le licenciement reprochant en partie au salarié d’avoir saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire constitue à lui seul une atteinte à un droit fondamental et justifie la nullité de la rupture. (Cass. soc., 3 fév. 2016, n° 14-18600)

Ou encore que la rupture anticipée des contrats à durée déterminée ne reposait sur aucun des motifs fixés par l’article L.1243-1 du code du travail, et faisait suite à l’action en justice des salariés sollicitant la requalification des CDD en durée indéterminée et qu’il revenait dès lors à l’employeur de démontrer que sa décision était étrangère à toute volonté de sanctionner le droit d’agir en justice exercé par ces derniers. (Cass. soc., 6 fév. 2013, n° 11-11740)

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Fabien THOMAS
Directeur de la société ICMP
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