La notion de préjudice nécessaire en cas de dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire

La chambre sociale de la Cour de cassation est venue rappeler qu’en matière de dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail qui est fixée à 48h (1) (art. 3121-27 du Code du travail) et qui se décompte du lundi 0h au dimanche 24h (art. L.3121-35 du Code du travail), le salarié n’est pas tenu de démontrer de l’existence d’un préjudice spécifique pour avoir droit à des dommages et intérêts. (Cass., soc., 26 janv. 2022, n° 20-21636)
 
En l’espèce, un chauffeur livreur a été engagé le 19 juin 2015.
Au cours de sa période d’essai rompu par son employeur, il a été amené à travailler 50,45h sur la semaine du 6 au 11 juillet 2015 dépassant de fait la durée maximale de travail hebdomadaire.
Raison pour laquelle le conseil de prud’hommes a été saisi notamment d’une demande de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale hebdomadaire.
 
Les Juges du fond (Cour d’appel d’Orléans – 28 mars 2019) ont estimé que le salarié « doit démontrer très exactement en quoi ces horaires chargés lui ont porté préjudice et, qu’en l’état des éléments soumis, ce préjudice n’est pas suffisamment démontré ».
 
A tort selon la Cour de cassation.
 
Les Hauts magistrats ont rappelé :
« Qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu’il soit besoin de démontrer en outre l’existence d’un préjudice spécifique (CJUE, 14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 53). »
 
Le préjudice comme le rappelle la Cour de justice de l’Union européenne tient de l’objet même de la Directive 2003/88 : « garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant ».
Raison pour laquelle le législateur de l’Union Européenne « a considéré que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire, en ce qu’il prive le travailleur d’un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu’il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE,14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 54) ».
 
Il s’agit donc d’une atteinte à la sécurité et à la santé du travailleur et celui-ci est fondé à réclamer des dommages et intérêts au titre du préjudice né de ce seul fait sans qu’il soit nécessaire d’en apporter une démonstration comme le soutenaient les Juges du fond.
 
****
 
En complément, il est précisé que la charge de la preuve du respect de la durée maximale de travail hebdomadaire repose sur l’employeur. (Cass. soc., 6 fév. 2019, n° 17-28752 notamment)
« Attendu cependant que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur ; »
 
En outre, nous avons publié récemment un article concernant la charge de la preuve de l’existence des heures supplémentaires dans lequel nous avons rappelé que :
 
– lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur est tenu d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. (Art. L.3171-2 du Code du travail).
– l’employeur est également placé dans l’obligation de tenir à la disposition des services de l’Inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié, même lorsque l’horaire de travail est collectif. (Art. L.3171-3 du Code du travail)
– qu’en vertu de l’application du droit de l’Union Européenne, il est fait obligation aux Etats membres d’imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur. (CJUE, gr.ch., 14 mai 2019, aff. C-55/18, Deutsche Bank : JurisData n° 2019-009307)
 
(1) Il est possible de déroger à la durée maximale de travail hebdomadaire pour la porter à 60h en cas de circonstances exceptionnelles pour la durée de celles-ci seulement après avoir demandé l’autorisation à l’Inspection du travail, accompagnée du l’avis du CSE. (Art. L.3121-21 et R.3121-8 à R.3121-10 du Code du travail)
 

Pour toutes questions, vous pouvez nous contacter.

Fabien THOMAS
Directeur de la société ICMP


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